Newton.Vaureal Consulting – Cabinet de conseil en logistique et supply chain management – Paris

Inscrire le transport dans une vision élargie du service client

Le transport est devenu un enjeu majeur pour les entreprises. Au delà du coût direct et des émissions de CO2, le cœur des démarches d’optimisation et de digitalisation est devenu l’amélioration de l’expérience client et la maîtrise des risques. Découvrez notre vision dans cette interview de Jérôme Bour.

Entretien réalisé par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier : « Faites de votre transport, l’arme fatale de votre compétitivité », à retrouver sur https://www.faq-logistique.com/DT-67-Transport-Arme-Fatale-Competitivite-NEWTON.htm

Quels sont aujourd’hui les grands changements autour des problématiques de transport ?

Deux grands changements sont aujourd’hui bien identifiés, tandis qu’un troisième commence à s’ancrer durablement dans les projets les plus matures.

Le premier, c’est la prise de conscience du rôle du transport dans l’expérience client, bien au-delà du seul B2C. Le transport, maillon visible de la chaîne logistique, est aujourd’hui attendu au même niveau que le produit ou le prix. Même s’il reste souvent piloté par des partenaires externes, il doit s’inscrire dans une vision élargie du service client. Cela implique d’assumer une responsabilité sur un processus que l’on ne maîtrise pas directement.

Le deuxième, c’est la prise de conscience que le transport, longtemps perçu comme un acquis, est désormais un facteur de fragilité. Pendant de nombreuses années, les entreprises ont bénéficié d’une offre de transport abondante, fiable et peu chère. Cela a permis le développement de modèles fondés sur des stocks réduits et des flux tendus. Ce paradigme s’est brisé. La rupture d’offre est désormais structurelle, que ce soit pour des raisons géopolitiques à l’international ou en raison d’un affaiblissement du tissu local de transporteurs. Le risque logistique est devenu une réalité quotidienne.

Enfin, pour les entreprises les plus avancées, la question de l’empreinte carbone (notamment sur le scope 3) commence à être réellement intégrée dans les projets. Le transport est souvent un poste important d’émissions. Si la dynamique autour du climat a été un peu éclipsée par la crise économique, les projets qui émergent aujourd’hui sont beaucoup plus solides. Moins nombreux, mais portés par une réelle volonté de transformation, ils s’inscrivent dans des trajectoires de fond, loin des effets d’affichage.

Quel lien établissez-vous entre transport et qualité perçue par le client ?

Le transport, en tant que dernier maillon, porte une bonne part de cette promesse. Son impact sur l’expérience client s’est renforcé ces dernières années. On est allé au-delà des seuls indicateurs de ponctualité ou de respect des délais. Deux attentes se sont ajoutées.

La première, c’est l’accélération. Le raccourcissement des délais est devenu un critère de qualité perçu, même si cela soulève des tensions avec les objectifs environnementaux.

La seconde, c’est la visibilité. Les clients veulent des engagements tenus, mais aussi la preuve que la promesse sera respectée.

Cela suppose une capacité à suivre, à mesurer, à informer.

Et sur la compétitivité de l’entreprise ?

La compétitivité continue de passer par une maîtrise rigoureuse des coûts. D’un acteur à l’autre, au sein d’un même secteur, on observe encore des écarts significatifs sur le coût unitaire de transport. Cela renvoie à la performance des achats, mais aussi à la capacité à ajuster le besoin : par exemple en repensant les cadences de livraison.

Mais au-delà du coût, c’est aujourd’hui la gestion du risque qui peut faire la différence. Ne pas pouvoir livrer, ne pas pouvoir produire faute d’approvisionnement, ce sont des pertes nettes de chiffre d’affaires ou de satisfaction client. Dans beaucoup de cas, le coût d’une opportunité perdue est plus élevé que celui d’un surcoût transport.

Ce raisonnement vaut-il pour toutes les entreprises ?

L’impact varie selon les modèles économiques. Pour les sociétés dont les produits ont une forte valeur unitaire, le coût du transport pèse peu. Elles peuvent se permettre de sécuriser leurs flux, même si cela a un impact sur le coût. Pour celles qui travaillent avec des marges serrées, c’est plus délicat.

Mais même dans ce cas, on voit des entreprises accepter de sortir d’une logique purement court terme avec les transporteurs, en misant sur une relation plus pérenne. L’enjeu est de réduire le risque, quitte à assumer un coût d’achat légèrement supérieur. Comme pour une assurance, on mesure l’intérêt de l’investissement quand le problème survient.

Comment détecter une mauvaise maîtrise de son transport ?

Le premier signe d’alerte, c’est l’absence de données. Beaucoup d’entreprises ne disposent toujours pas d’un système de pilotage fiable. Sans data, impossible d’identifier une dérive.

Ensuite, il faut regarder le taux d’acceptation des ordres par les transporteurs. C’est un bon indicateur pour savoir si l’on est perçu comme un donneur d’ordre attractif. Cela renvoie à des questions très concrètes : les délais de chargement sont-ils respectés ? Les transporteurs doivent-ils patienter trop longtemps sur site ?

Enfin, la fréquence des surcoûts ou des frais additionnels (attente, relivraisons, etc.) est un bon révélateur. Si le taux de surcharge grimpe, c’est souvent le symptôme d’une instabilité dans les opérations.

Comment structurer une analyse de performance transport ?

La performance transport se joue sur deux fronts.

D’un côté, il y a la performance interne : comment l’entreprise organise ses flux, ses achats, sa relation avec ses transporteurs.

De l’autre, il y a la performance externe, vis-à-vis des clients ou des fournisseurs. Dans les deux cas, la qualité de la donnée est centrale.

Mais encore faut-il avoir cette donnée, et pouvoir l’exploiter. Cela suppose que les transporteurs la fournissent, qu’elle soit remontée en temps utile, qu’elle soit fiable. La performance de la fonction transport, c’est aussi sa capacité à mesurer son activité. Et ça commence par la qualité des flux d’information entrants.

Le transport devient alors un levier stratégique à part entière, capable de renforcer la compétitivité autant par la maîtrise des coûts que par la capacité à sécuriser les flux.

Comment accompagnez-vous les entreprises sur ces sujets ?

Notre intervention repose sur quatre piliers :

  1. Le schéma directeur : pour aligner l’organisation transport sur les objectifs long terme de l’entreprise. Cela passe par une revue globale des flux, souvent nécessaire quand l’activité a évolué par ajouts successifs.
  2. L’acte d’achat : nous accompagnons nos clients sur la structuration de leur relation avec les transporteurs, que ce soit pour du benchmark, des appels d’offres, ou une réflexion sur les modalités contractuelles.
  3. La décarbonation : pour ceux qui s’engagent sur ce chemin, nous intervenons sur le report modal, le mix énergétique, le co-investissement avec les transporteurs.
  4. Le digital : il y a encore beaucoup à faire sur les outils, mais surtout sur l’usage des données. Une fois les solutions en place, le sujet devient celui de l’exploitation : quels indicateurs, pour qui, comment les partager, comment structurer les master data…

Vous utilisez aussi des benchmarks ?

Oui, dès que c’est pertinent. Nous nous appuyons à la fois sur les benchmarks disponibles sur le marché et sur notre propre base, enrichie au fil des missions.

Nous avons également la capacité à modéliser les flux des clients, à constituer un jumeau numérique, à injecter de la donnée pour simuler des scénarios. C’est un outil très utile pour orienter la décision.