Newton.Vaureal Consulting – Cabinet de conseil en logistique et supply chain management – Paris

Les 10 défis logistiques et supply chain de la grande consommation et du retail

Une analyse des mutations structurelles qui redéfinissent les chaînes d’approvisionnement

Le secteur de la grande consommation et du retail traverse une période de transformation sans précédent. Entre évolution des comportements consommateurs, pressions réglementaires et innovations technologiques, les acteurs du secteur doivent repenser  leur stratégie, avec des impacts souvent importants sur les chaines logistiques. Cette note sectorielle identifie au moins dix défis majeurs qui structurent aujourd’hui les enjeux supply chain du secteur et appellent des réponses innovantes.

  1. L’omnicanal : quand la complexité devient la norme

L’omnicanal ne constitue plus un avantage concurrentiel mais une exigence de base, ce n’est pas un nouveau thème, mais ils restent beaucoup de chantiers à mener pour la plupart des poids lourds du secteur , comme en témoigne le discours qui accompagnent la recente nomination de Marx Boulanger à la tête du digital chez Auchan.

Les consommateurs naviguent librement entre canaux physiques et digitaux, créant une complexité logistique inédite. Les distributeurs doivent désormais gérer des flux multi-directionnels : du centre de distribution vers le magasin, du magasin vers le domicile du client, ou encore du fournisseur directement vers le consommateur final.

Cette évolution impose une refonte complète des systèmes d’information et des processus opérationnels. La gestion des stocks devient particulièrement critique : comment optimiser les niveaux de stock quand un produit peut être vendu indifféremment en magasin, sur le site e-commerce, ou via une marketplace ? Les leaders du secteur investissent massivement dans des solutions technologiques, pour rester dans la course face à un Amazon qui définit les standards en matière de rapidité et de personnalisation. Ces investissements visent une vision temps réel des stocks et des commandes mutli sites (yc magasins!) , condition sine qua non d’une expérience client fluide.  N’hésitez pas à vous référer à notre dossier omnicanal

  1. Transition énergétique : des bâtiments aux transports, un défi d’ampleur

La transition énergétique s’impose comme un impératif stratégique et réglementaire. Les distributeurs font face à un double défi : décarboner leurs infrastructures immobilières et transformer leur flotte de transport aval (et aussi amont avec leurs fournisseurs). Pour les bâtiments, l’enjeu porte sur la rénovation énergétique des entrepôts existants et l’intégration de solutions renouvelables pour les nouvelles constructions (principalement le photovoltaïque).

Le transport représente un défi encore plus complexe. L’électrification des flottes, notamment pour la livraison du dernier kilomètre, nécessite des investissements considérables en infrastructures de recharge , en plateformes logistiques (et voire en magasins),  et impose de repenser les tournées de livraison. Les véhicules électriques, avec leur autonomie limitée et leurs temps de charge, contraignent les entreprises à revoir leurs modèles opérationnels. Certains acteurs expérimentent l’hydrogène pour les liaisons longue distance, mais la maturité technologique et économique reste encore à démontrer, alors que le TCO de tracteurs lourds en électrique ne cesse de s’améliorer. c’est un enjeu majeur pour les dsitrbuteurs (et leurs fournisseurs) pour répondre d’une part à leur trajectoire Carbone et continuer à maitriser leur budget transport en phase de transition . Nous accompagnons nos clients dans l’orchestration de nécessaire feuille de route

  1. Logistique urbaine : s’adapter à l’éclatement des formats

La mutation des formats commerciaux révolutionne la logistique urbaine. Le déclin des hypermarchés au profit des formats de proximité – drives piétons et magasins city –  impose une logique de distribution « éclatée ». Fini le temps où un seul point de livraison desservait une large zone de chalandise. Les distributeurs doivent désormais approvisionner de multiples points de vente de petite taille, souvent situés en centre-ville avec des contraintes d’accessibilité importantes.

Cette évolution génère une explosion des coûts logistiques unitaires. La livraison de 10 palettes sur un hypermarché en périphérie devient la livraison de 2 palettes sur 5 points de vente différents, multipliant les arrêts et les kilomètres parcourus. Les solutions émergent progressivement : mutualisation entre enseignes, hubs urbains de consolidation, ou encore véhicules de livraison adaptés aux contraintes urbaines. Là aussi une revisite complète des flux et une modélisation du réseau logistique permet d’y répondre 

  1. L’essor de la MDD : quand les distributeurs deviennent industriels

Le développement des marques de distributeurs (MDD), plébiscitées par les consommateurs en quête de pouvoir d’achat, transforme fondamentalement le rôle des enseignes. En passant de simples acheteurs-revendeurs à véritables donneurs d’ordre industriels, ils héritent de nouvelles responsabilités (gestion de la qualité, respect des délais de production, optimisation des coûts de fabrication) et aussi de nouvelles contraintes , comme en cas de pénurie. Cette transformation s’accompagne d’une complexification de la supply chain.

Les distributeurs doivent désormais gérer des relations avec de multiples co-packers, coordonner des approvisionnements en matières premières, et intégrer des contraintes de production dans leur planification commerciale. La volatilité des coûts des matières premières les expose directement aux risques de marge, contrairement aux marques nationales où ce risque est porté par l’industriel. Cette évolution nécessite de nouvelles compétences internes et des outils de pilotage adaptés , comme par exemple sur la gestion de l’information de remise à disposition en cas de rupture de l’usine jusqu’aux magasins.

  1. Amélioration des prévisions via l’IA : promesse ou réalité ?

L’intelligence artificielle suscite d’immenses espoirs en matière de prévision de la demande. Les algorithmes de machine learning promettent de révolutionner la précision des prévisions en analysant des volumes de données impossibles à traiter manuellement : historiques de vente, données météorologiques, événements locaux, tendances sur les réseaux sociaux.

Cependant, la réalité se révèle plus nuancée. Si l’IA pourrait améliorer indéniablement la qualité des prévisions sur les produits à rotation régulière, elle peine encore sur les nouveaux produits, les articles saisonniers ou lors d’événements exceptionnels, qui restent mal documentés dans les data lake des distributeurs. Les entreprises les plus avancées adoptent une approche hybride, combinant algorithmes et expertise humaine. Le véritable défi réside moins dans la technologie que dans la qualité et la structuration des données d’entrée.

  1. Raccourcissement des cycles promotionnels : l’agilité comme impératif

La pression concurrentielle et l’évolution des comportements d’achat conduisent à un raccourcissement des cycles promotionnels voulu par les Services Offre et Marketing (souvent 12 à 18 semaines actuellement entre engagement volume et mise en rayon) . Les opérations spéciales, jadis planifiées plusieurs mois à l’avance, doivent désormais être déployées en quelques semaines. Cette accélération met sous tension l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.

Les équipes achats doivent négocier plus rapidement avec les fournisseurs, les équipes logistiques adapter leurs flux dans des délais contraints, et les magasins réorganiser leurs espaces de vente fréquemment et stocker souvent des flux poussés par les plateformes. Cette évolution favorise les acteurs disposant de chaînes d’approvisionnement courtes et flexibles, au détriment des structures trop rigides ou des circuits d’approvisionnement internationaux.

  1. L’exécution en magasin : l’eldorado de l’optimisation

Malgré les investissements considérables dans la digitalisation et l’automatisation des centres de distribution, l’exécution en magasin demeure le maillon faible de nombreuses enseignes. Les ruptures en linéaire, les erreurs de prix, ou les défauts de mise en place promotionnelle génèrent des pertes de chiffre d’affaires significatives.

Les distributeurs investissent dans des solutions technologiques pour améliorer l’exécution : terminaux mobiles pour les équipes, passation de commande de réassort optimisée, reconnaissance d’images pour contrôler la conformité des linéaires et des ruptures linéaires  ou encore intelligence artificielle pour optimiser les plannings en fonction de la charge de travail ou les dates de péremption courtes. L’enjeu dépasse la technologie : il s’agit de transformer l’organisation du travail en magasin et de revaloriser les métiers de la mise en rayon et des opérations en magasins , maillon clé dont découle la fiabilité des initiatives omnicanal (cf point 1) , et prévisions (cf point 5)

8.Le développement du business non alimentaire : une logistique sur mesure

L’expansion des distributeurs vers le non alimentaire (bricolage, jardin, électroménager) représente un relais de croissance majeur face à la stagnation du marché alimentaire. Cette diversification impose cependant une refonte complète des modèles logistiques traditionnels. Les produits non alimentaires présentent des caractéristiques radicalement différentes : volumes et poids importants, saisonnalité marquée, durée de vie longue, et valeur unitaire élevée.

Ces spécificités génèrent de nouveaux défis opérationnels. Les entrepôts doivent être repensés pour accueillir des produits volumineux nécessitant des équipements de manutention spécialisés. La gestion des stocks devient plus complexe avec des articles à rotation lente mais occupant d’importants espaces de stockage. Le transport et la livraison nécessitent des véhicules adaptés et des équipes formées à la manipulation de produits lourds et fragiles. Les distributeurs investissent dans des plateformes logistiques dédiées et développent des partenariats avec des spécialistes du secteur pour maîtriser cette complexité croissante.

  1. Automatisation des entrepôts : rigidité versus productivité

L’automatisation des entrepôts s’est accélérée ces dernières années sous la pression des coûts de main-d’œuvre et des contraintes de recrutement, avec des outils toujours plus gros. Robots de préparation, systèmes de stockage automatisés, et convoyeurs intelligents transforment les centres de distribution. Ces investissements améliorent les conditions de travail, créent des métiers plus qualifiés, et génèrent  des gains de productivité – à analyser avec précautions.

Cependant, l’automatisation introduit une forme de rigidité nouvelle. Les systèmes automatisés excellent dans le traitement de volumes réguliers et prévisibles, mais peinent à s’adapter aux variations saisonnières ou aux pics d’activité et sont bien souvent capés en capacité , qu’il s’agit de saturer le plus souvent possible pour rentabiliser l’investissement.

Cette évolution nécessite une planification plus fine des capacités et des moyens en plateforme logistique,  et une meilleure coordination entre les équipes commerciales et logistiques. Les entreprises les plus performantes adoptent une approche modulaire, combinant zones automatisées et zones flexibles et s’appuie sur un processus S&OP robuste et étayé par les bonnes données et les bons indicateurs 

  1. Recrutement et fidélisation : le défi humain de la logistique

Le secteur logistique fait face à une crise de recrutement structurelle. Métiers physiquement exigeants, horaires décalés, et image dégradée compliquent l’attraction des talents. Cette situation s’aggrave avec le développement du e-commerce, qui accroît mécaniquement les besoins en main-d’œuvre logistique.

Les entreprises innovent pour attirer et fidéliser : amélioration des conditions de travail, programmes de formation, perspectives d’évolution de carrière, ou encore recours aux technologies pour réduire la pénibilité. Certaines expérimentent des modèles d’organisation du travail alternatifs : équipes autonomes, horaires flexibles, ou télétravail pour les fonctions support. L’enjeu dépasse la simple question salariale : il s’agit de revaloriser l’ensemble de la filière logistique.

 

Conclusion : vers une supply chain résiliente et adaptative

Ces dix défis – liste non exhaustive – dessinent les contours d’une supply chain en mutation profonde. Les distributeurs qui réussiront demain seront ceux qui sauront concilier efficacité opérationnelle, durabilité environnementale, et satisfaction client. Cette équation complexe nécessite une approche systémique, associant innovations technologiques, transformation organisationnelle, et développement des compétences.

L’avenir appartient aux acteurs capables de construire des chaînes d’approvisionnement à la fois résilientes face aux chocs externes et adaptatives face aux évolutions du marché. Dans ce contexte, l’expertise en supply chain devient un véritable avantage concurrentiel, condition nécessaire pour naviguer dans cet environnement complexe et en perpétuelle évolution*.

 

*Nota : on n’oublie pas aussi les défis du foncier logistique, des boucles d’approvisionnement courtes et locales,  de la logistique de retour et demain de la circularité en cas de déploiement généralisé de la consigne .